"Je n'ai pas eu la chance de rencontrer les bonnes personnes au bon moment..."

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Les évêques à l'écoute de la clameur des pauvres

Une délégation du Sappel est allée témoigner à l'Assemblée des Évêques de Lourdes de novembre 2021 sur le thème “Clameur de la Terre, clameur des pauvres”

À l'invitation de la CEF (Conférence des Évêques de France), du mardi 2 novembre à 10 heures au jeudi 4 novembre à 14h, 15 associations membres du Réseau Saint Laurent et 3 autres associations ont participé à l'Assemblée des évêques à Lourdes. Les évêques ont entendu, les années précédentes, des intervenants parler de la clameur de la terre. Il s'agissait cette année d'entendre la clameur des pauvres. Nous étions logés avec les évêques à l'accueil Notre Dame et nous prenions tous nos repas avec eux.

 Une petite délégation du Sappel, représentée par Maryline et Laurence, et Philippe qui les accompagnait, y est allée.

 « Le mercredi matin, quand nous étions tous ensemble avec les évêques et leurs invités (450 personnes en tout), il y a eu les présentations des associations présentes. On chantait, on tapait des mains, il y a eu une farandole. C'était peut-être la première fois qu'ils faisaient des ça ? On aurait dit qu'ils étaient stressés d'avoir tout ce monde-là, ils n'osaient peut-être pas nous parler comme on était pauvre ? ».

 

Le mercredi après-midi, Laurence et Maryline ont témoigné de la « clameur des pauvres » :

« On a fait des groupes comme des maisonnées où il y avait des évêques et des invités. On a lu notre témoignage. Quand on a parlé, j'étais barbouillée C'était impressionnant de raconter notre vie, nous les plus pauvres, parce que la plupart on ne les connaissait pas. Ce n'est pas comme si on lisait devant les membres du Sappel qu'on connaît.

Après ils ont pris le micro. Ils ont dit ce qu'ils ressentaient et posé des questions. Une dame, une invitée, a pleuré quand elle a parlé, ça l'a émue. Jamais ils ont pensé que les familles vivaient ça. Ça m'a touchée de l'entendre parler comme ça, je me suis dit : 'Hou là on a fait pleurer les gens...'. Une dame qui habite à Lyon, du côté ouest du Rhône a dit « on ne sait pas ce qui se passe de l'autre côté, on doit faire des ponts ». On était portées par la réaction des gens et par le Seigneur et Marie ».

 

Voilà ce que Laurence et Maryline ont perçu de l'état intérieur de beaucoup d'évêques :

«  Ils étaient à l'écoute mais... ils étaient remplis de cette préoccupation de la pédophilie. Peut-être que ça leur posait souci tout ce qu'ils ont dans la tête ? Ils étaient préoccupés, je le sentais. Il y a des moments où je n'étais pas à l'aise. J'aurais aimé leur dire 'je suis chrétienne je vais à l'Église'. J'avais de la haine mais c'est vrai qu'ils étaient préoccupés : ils étaient inondés par les médias.

Il y a bien des évêques qui ont mangé avec nous. Celui qui a les cheveux blancs, je trouve qu'il était joyeux. II était rigolo, il avait tout le temps le sourire quand il parlait ; c'était naturel, il avait son visage doux. il n'était pas comme ceux qui ne rigolent pas. Je me rappelle un repas avec un autre évêque, il ne disait pas grand-chose. Il a mangé, il est parti. On sent au visage des gens : on est rassuré avec certains, avec d'autres ça ne passe pas. On les voyait toujours en train d'aller et venir. Si on n'allait pas vers eux ils ne venaient pas vers nous. Il y en a un qui m'a bien aidée à retrouver mon chemin, j'étais perdue dans l'accueil Notre Dame. Il a dû m'entendre dire 'je suis perdue' et il est sorti pour m'aider ».

 

Eric de Moulins-Beaufort, président de la CEF et archevêque de Reims, a envoyé une lettre à toutes les associations une dizaine de jours après. Nous avons lu cette lettre avec Maryline et Laurence. Voilà, au fil de la lecture, leurs réactions.

Eric de Moulins-Beaufort : « Nous avons été réconfortés de constater votre joie de nous rencontrer, de découvrir ce que vous vivez autour de l'écoute de la Parole de Dieu, de la prière, de l'entraide mutuelle. Nous avons été émerveillés par votre capacité à vivre dans des conditions difficiles sans abdiquer votre dignité. (...) Pour beaucoup d'entre nous nous rentrons de Lourdes avec le désir de vous rencontrer davantage, d'apprendre à écouter avec vous la Parole de Dieu, de recueillir aussi la sagesse que vous portez : elle n'est pas seulement, nous a-t-on rappelé, une « clameur ». Nous aspirons à vivre plus frugalement, à ne pas chercher à accumuler mais à nous réjouir de tout ce que l'on peut recevoir et partager ».

Maryline : « Même si on est dans les plus pauvres on a de la joie ».

Laurence : « Je suis chrétienne et malgré mes souffrances j'ai Dieu et Marie qui me portent, aussi mes amis. Mais c'est vrai que la prière j'en ai besoin, comment dire...c'est l'eau qui jaillit. Ça me fait du bien de prier, c'est important. Ils ont découvert ça, ils ne le savaient pas peut-être ? Nous on est digne de ce qu'on est, fières de dire aux gens qu'on est chrétiennes. Je suis nourrie par la Parole de Dieu et je partage ma foi avec mes enfants ».

Maryline : « Ce qui me touche, c'est qu'il rentre de Lourdes avec le désir d'apprendre à écouter la Parole dans le calme, apprendre à la méditer, la digérer, la manger, recueillir la sagesse. Ils ont dû nous écouter, ce qu'on a dit a dû porté du fruit ».

Nous nous sommes demandé ce que voulait dire « recueillir la sagesse que vous portez ».

Maryline : « On est des perles...et on retourne à Lourdes pour partager avec les évêques ! » Laurence : « La sagesse, c'est quelqu'un qui veut la paix et qui porte la paix en lui-même, qui veut la partager aux autres. Mais nous on n'ose pas parler, on est des petites souris ! »

Maryline : « Quand on ne connaît pas les personnes, on a un peu du mal, on se dit : 'qu'est-ce qu'ils vont penser de nous ?' »

Maryline et Laurence : « On vit avec ça : avec notre pauvreté. De toute façon on fait avec, on est obligées. Ce qu'on vit au Sappel, le groupe de prière, on pourrait le partager avec d'autres personnes. Tu imagines on invite tous les évêques au Sappel, ça en ferait beaucoup ! »

 

Le témoignage de Laurence et Maryline aux évêques terminait par « Nous, on rentre dans l'espoir qu'on sera entendus ». A la lecture de la lettre de Eric de Moulins-Beaufort, Maryline et Laurence concluent : « On a été écoutées, il y a une lueur ».

 Philippe Brès

 

 

Retrouvez ci-dessous dans leur intégralité :

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