LES BERGERS
Il fait nuit, très nuit, nuit noire. Un grand vent souffle entre les rochers, résonne dans le silence. Tout est vide, tout est peur, quelque part tout est attente.
Les bergers sont là, autour d’un feu. L’un dort, l’autre veille, le troisième a peur. Le troupeau gronde sourdement, les chiens dorment profondément. Parfois une ombre plus profonde que la nuit même, traverse le ciel. Les loups ne sont pas loin, les bâtons gisent aux pieds des bergers. Qui faut -il garder ? De qui faut-il se garder ? Un berger rêve, l’autre regarde, le troisième écoute.
Et puis, c’est comme une étoile filante, un fil lumineux cousu entre le ciel et la terre, entre le vide et le noir. Celui qui veille, celui qui regarde, l’a vu. Et puis un son ténu, à peine une vibration. Celui qui écoute, celui qui a peur l’a entendu avec tout son corps. Il s’est redressé. Il ne regarde plus le feu, il regarde le noir, le vide, le ciel, la terre ; il cherche, il attend... et si ?...une seule note lumineuse pouvait remplir le vide, l’habiter ?
Le fil de lumière se fait plus large, chemin tracé entre ciel et terre. Celui qui voit s’est levé. Il se met à marcher.
Le son se fait musique, appel : Noël ! Noël ! Celui qui a peur se met aussi à marcher, mais tout son corps cherche d’où vient le chant, et interroge le noir, le vide autour du chemin. Celui qui rêve parle. Il dit « paix », il dit « fils », il dit « père ».
Le feu des bergers s’est éteint. Les chiens dorment, les loups aussi. Le troupeau affamé a fini de manger la paille. Un autre feu s’est allumé ailleurs. Noël ! Noël ! La nourriture n’est plus la paille, mais celui qui dort sur la paille.
Toi, le berger qui dort, il n’est plus temps de rêver. Lève-toi ! Rejoins les autres sur le chemin tracé entre ciel et terre. Parle ! Parle à celui qui voit, qu’il comprenne ce qu’il voit. Parle ! Parle à celui qui écoute, son oreille est déjà ouverte.. Noël ! Noël !
Bigna Paturle