LA CATECHESE FAMILIALE
Depuis quatre ans Jean-Michel Lopez a reçu du diocèse de Lyon la mission d’expérimenter une catéchèse familiale pour répondre aux demandes formulées par des parents en situation de précarité ou d’exclusion.
• Souvent c’est à l’occasion d’une demande de sacrements : baptême, communion...que ces personnes viennent s’adresser à la paroisse. C’est après les avoir rencontrés plus particulièrement, parce que l’on s’est rendu compte que leur situation sociale comportait un certain nombre de complications difficiles à comprendre, à régler (familles séparées, parent isolé, enfants placés en foyer ou en familles d’accueil, avec un retard scolaire plus ou moins important) ... et qu’il apparaît alors difficile, voire impossible, que les enfants de ces familles rejoignent les groupes de catéchèse habituels qu’il leur est proposé de vivre cette catéchèse au sein de leur famille. Pour cela, nous avons constitué une équipe de quelques personnes qui se rencontrent et se forment régulièrement pour assurer ce service.
Au cœur de la famille
• Nous rencontrons donc les enfants chez eux, proposition qui peut s’adresser aussi à l’ensemble des enfants et personnes présents à ce moment-là, à la maison. Nous demandons, si cela est possible, aux parents d’être présents aux séances. Pour nous, ce sont les parents qui, en effet, ont un rôle important dans la transmission de la foi auprès de leurs enfants par leur présence effective (et affective), mais aussi par l’expérience de vie unique qu’ils ont auprès de leurs enfants et par l’exemple, le témoignage de leur vie qu’ils peuvent leur apporter. Très souvent, ces parents vivent dans leur vie des situations où ils sont dévalorisés, voire rejetés par la société (l’école, le voisinage...), parfois même auprès de leur propre famille. Etant présents à nos rencontres, ils peuvent voir comment nous nous y prenons pour présenter tel récit biblique, quels mots nous pouvons dire pour exprimer notre foi, reprendre une phrase ou une question de leurs enfants, comment vivre un temps de prière... il est important pour nous de valoriser ces parents aux yeux de leurs enfants et de leur donner confiance en eux-mêmes dans la manière dont ils vont pouvoir continuer cette formation chrétienne au jour le jour. Comment ils vont pouvoir apporter leur propre témoignage, dans des choses toutes simples, au quotidien avec leurs enfants.
Des temps forts de rassemblements
• En complément à ces rencontres familiales, nous proposons à chaque famille de vivre un temps fort, une journée par mois, (appelée « Journée Familiale ») où elle retrouve d’autres familles vivant la même démarche et rencontrant des difficultés similaires dans leur quotidien. Nous les rassemblons pour un temps convivial et familial, au cours duquel différentes propositions leur sont faites (ateliers, jeux, promenade, échanges, célébration...) en lien avec le thème catéchétique qui sera repris au cours de la journée.
Ainsi, pour une rencontre qui avait lieu le jour de l’Epiphanie, petits et grands ont été invités à se costumer pour jouer l’arrivée des Mages, chaque famille avait aussi fabriqué un petit coffre, où chacun des membres de la famille avait glissé un message avec ce qu’il portait de beau en lui et qu’il avait envie d’offrir à Jésus. Ces messages avaient été réfléchis, écrits ou dessinés pendant un temps spécifique où chacune des familles se retrouvent plus particulièrement avec une ou deux personnes partenaires. Nous avions terminé la journée sur un temps de célébration où chacun à son tour a pu être un mage venant apporter son présent à l’Enfant nouveau-né.
-Chaque fois que cela est possible, nous convions aussi, voire accompagnons, ces familles à vivre des temps de rassemblement plus larges avec des communautés chrétiennes paroissiales. En gardant toujours comme objectif, à plus ou moins long terme, que ces parents, ces enfants, puissent un jour, par eux-mêmes, rejoindre différents autres lieux d’Eglise où des chrétiens se rassemblent.
-Ainsi cette femme seule, Mme M., sans lien particulier avec la paroisse, avec 3 enfants, qui est venue un jour, à la permanence de la paroisse, demander le baptême pour sa dernière fille âgée d’un an et demi. La responsable de l’accueil après avoir échangé avec elle, lui a recommandé de rencontrer quelqu’un de notre équipe de catéchèse en Quart-monde. Contact fut donc pris chez elle. On s’aperçut que les 2 frères aînés avaient été déjà baptisés, mais non catéchisés pour diverses raisons, en particulier parce que le frère aîné était scolarisé dans un établissement spécialisé dont les horaires ne lui permettaient pas de participer à la catéchèse paroissiale. Il fut donc décidé que le baptême de la petite dernière serait préparé à la maison avec la maman et les 2 frères aînés, amorçant en même temps une catéchèse familiale adaptée à la circonstance. Il était étonnant de voir la petite participer elle aussi à sa manière et danser sur les chants qui étaient repris lors des rencontres. Le baptême fut donc célébré lors d’une messe dominicale de la paroisse. Cette maman prit alors l’habitude de venir à la messe avec ses 3 enfants et devint même l’une des plus régulières. Le caté s’est continué à la maison au moins pendant deux ans. Le plus grand a pu faire sa première communion et le deuxième a rejoint une équipe de caté. Depuis un an, Mme M. s’est même proposée de rejoindre l’équipe de ménage de l’église, et participe à d’autres groupes de la paroisse, ainsi qu’aux Journées Familiales que nous proposons au Sappel. Même si des difficultés certaines demeurent dans le quotidien de cette famille, Mme M. peut dire que maintenant, à la paroisse, elle a des amis sur lesquels elle peut compter.
Une expérience qui porte ses fruits
• Après quelques années de recul, je peux dire que, pour moi et l’équipe d’accompagnateurs, ces rencontres restent marquantes pour tous, aussi bien pour les familles, les enfants, les animateurs... Les paroles du Christ résonnent autrement en chacun de nous quand elles ont été passées au crible et enrichies de la vie de ces personnes en grande difficulté.
-Le pardon, l’espérance, la persévérance, la prière ne sont plus habitées de la même manière. La joie qu’il nous est donné de vivre prend une autre coloration, une autre teneur, une autre réalité. Nous vivons une sorte d’évangélisation mutuelle, où chacun est invité à vivre des conversions, des changements de regards envers des personnes que n’aurions pas rencontrées spontanément et qui, pourtant, ont tant de choses à nous apprendre sur leur force de vie, leur résistance à la misère, la confiance et l’espérance qu’elles expriment envers Dieu, malgré leur vie cabossée...
-Joie de voir que certains d’entre eux parviennent par eux-mêmes à une certaine vie paroissiale : venir seul à la messe, inscrire son enfant à la catéchèse paroissiale, à l’aumônerie...
-Nous sommes aussi souvent renvoyés à nos propres limites où parfois nous nous sentons vraiment démunis devant telle situation, telle interpellation qui nous déroutent, et nous oblige à ne pas nous installer dans des certitudes rigides... Cela nous interpelle à nous tourner encore plus vers Dieu, à nous convertir en permanence, à entrer encore plus dans cette démarche de confiance où nous découvrons que, bien souvent, les plus pauvres nous précèdent...
Jean Michel Lopez